Dos-d’âne, ralentisseur, dispositif surélevé…
Avant ma formation de moniteur, j’étais bien incapable de définir les signaux A13 ou A14. À la grosse louche, cela ressemblait à un casse-vitesse comme on dit chez moi ou à un ralentisseur. J’ai cru entendre les Français parler de “gendarme couché”. Et quand on pose la question au quidam, ils ne connaissent ni la signification ni la réalité sur le terrain. Les élèves, voire des experts de la circulation, confondent encore et toujours le signal du dispositif surélevé (pictogramme à une bosse) avec le dos-d’âne (pictogramme à deux bosses successives).
❖ Cassis et dos-d’âne
Selon la définition du Code de la route, le signal A13 est un « cassis ou dos-d’âne ». Deux choses opposées. Commençons par le cassis. En fouinant dans le dictionnaire, on trouve la définition du groseillier, de la rigole et enfin d’une brusque dénivellation concave et transversale, sur la chaussée d’une route. On n’est pas plus avancé. Voyons voir la définition du dos-d’ane. Toujours selon Larousse: bosse présentant deux pentes séparées par une arête, sur une route. Le dictionnaire Cordial va jusqu’à proposer le mot ralentisseur comme synonyme. Cerise sur le gâteau, la réglementation française parle de dos-d’âne pour désigner un ralentisseur. Aux vues de tout ce qui a été dit, je comprends mieux pourquoi les gens s’emmêlent les pinceaux. Et à dire vrai, le pictogramme ne nous aide pas à différencier les deux.
Oubliez tout ce que vous savez sur le sujet. La solution se trouve dans le Code du gestionnaire. Il nous indique que le cassis est un creux et le dos d’âne est une bosse. Le signal A13 (cassis ou dos-d’âne) signifie donc que la route présente des irrégularités, c’est-à-dire des bosses et des fosses. L’origine peut-être due à une intervention humaine volontaire (passage à niveau), mais bien souvent il s’agit d’une dégradation du revêtement: crevasses, ornières, nids-de-poule, pavement irrégulier, etc. Le laisser-aller du service de voirie et le trafic important détériorent rapidement ces routes. Les zones humides ou les conditions climatiques pluvieuses sont des facteurs aggravants d’une route déjà abîmée. En bref, attendez-vous à être secoué. Mieux vaut adapter sa vitesse et bien s’accrocher.
Les Bruxellois connaissent certainement l’avenue du Port à proximité de Tours & Taxis. Cette immense voirie aux 219 platanes est faite de pavés. Cette grande artère provoque des vibrations et un bruit incommodant. La circulation des nombreux bus, poids lourds et le trafic ininterrompu ont rendu cette route dans un état désastreux.



En principe, le service communal compétent agit rapidement pour reboucher les trous soit avec de l’asphalte à froid dont la durée de vie est faible (quelques mois), soit de l’asphalte coulé (plus de deux ans). Pour les situations plus critiques, c’est tout le revêtement qui est à refaire. Il faut aussi bien avouer que la commune se cache parfois derrière la signalisation pour se décharger de toute responsabilité en cas d’accident. Le conducteur averti ne pourra pas pointer le mauvais revêtement et inculper le service public.
On trouve également le signal au passage à niveau, mais selon le Code du gestionnaire le signal devrait être remplacé par le A51 et un panneau additionnel représentant des bandes transversales ou portant l’inscription « stries transversales ». Il en va de même pour les ornières.

❖ Les dispositifs surélevés
On dit que c’est dans la ville de Delft en Hollande, dans les années 70, que le premier casse-vitesse a vu le jour. Long de 80 cm, un conseiller communal s’est plaint du dispositif qui aurait manqué de briser des bouteilles. L’histoire ne dit pas s’il roulait trop vite. Dans les années 90, les casse-vitesse traversaient toute la chaussée. Un dénivelé abrupt causait une violente secousse à ceux qui roulaient trop vite. Ces casse-vitesse de première génération détérioraient fortement les voitures et les vibrations provoquaient des fissures dans les murs des habitations. Depuis, on les a remplacés par des aménagements plus doux, regroupés sous l’appellation des « dispositifs surélevés ». Leur utilité est de refréner les ardeurs des automobilistes trop pressés pour qui la signalisation routière ne suffit pas.
Le signal A14 représente un « dispositif surélevé ». Pour être exact, les deux termes sont mis au pluriel et entre parenthèses. Vous ne trouverez ni définition ni caractéristiques dans le Code de la route. Sous ce même signal, on trouve deux dispositifs différents: le ralentisseur de trafic¹ et le plateau². Les autres systèmes de casse-vitesse – comme le coussin berlinois – ne rentrent pas dans cette catégorie et ils ne sont donc pas soumis à la réglementation de l’article 22ter: 30 km/h, interdiction de dépasser, arrêt et stationnement interdits, etc.
Ralentisseur de trafic — « Surélévation locale de la voie publique de forme sinusoïdale, destinée à contraindre physiquement le conducteur à ralentir la vitesse de son véhicule ». Il est assez court et ne dépasse pas les 4,8 m. Un certain nombre de règles sont à observer à leur égard. »

Plateau — « Surélévation plane sur la voie publique, dont le profil en long est trapézoïdal, avec un ou des accès biseautés, de forme sinusoïdale ou non. Il peut être modifié en faisant varier sa hauteur, sa pente et la forme des rampes d’accès et sa longueur. » On en trouve de plus en plus, notamment aux carrefours. Il n’a pas de limite de longueur et certains s’étendent sur plusieurs centaines de mètres.

À noter que l’arrêt et le stationnement y sont interdits. La raison est simple; les conducteurs distraits et surpris par le début du ralentisseur pourraient freiner brusquement ou braquer le volant et accidenter les véhicules stationnés. Si le raisonnement tient pour l’entrée et la sortie du plateau/ralentisseur, certains font plusieurs centaines de mètres. Il n’y a alors aucune raison d’être surpris.
Tous les dispositifs surélevés sont annoncés en début et en fin par ce qu’on appelle un peigne. Cela permet d’être identifié et visible, notamment pour les deux roues beaucoup plus sensibles aux modifications du niveau de la route. On croise parfois des aménagements empruntés aux français: une ligne horizontale de triangles.


Ces dernières années, on a vu surgir du sol le coussin berlinois. Il semblerait que l’origine ait vu le jour dans la ville allemande. Il est surtout installé aux endroits sensibles fortement fréquentés par des piétons. De taille réduite, il a une forme rectangulaire ou carrée et se trouve entouré d’une large bande blanche. Le but est d’apporter moins de contraintes aux véhicules des transports en commun et aux véhicules lourds tout en imposant aux autres véhicules un ralentissement induit par la forme de l’aménagement. Les véhicules à deux roues ne sont pas pénalisés puisqu’ils peuvent l’éviter en passant par le côté. Comme je l’ai dit plus haut, il ne fait pas partie des « dispositifs surélevés » même si matériellement s’en est un.

Sur la photo ci-dessous, le signal se trouve à hauteur du coussin berlinois, mais la distance réglementaire n’est pas respectée.

Dans certaines villes, le gestionnaire a pris la peine de peindre au sol une série de lignes en amont du coussin berlinois. Elles permettent au cycliste à l’arrière d’un véhicule large de ne pas être saisi par un ralentisseur et éventuellement de perdre l’équilibre.
Au niveau de la signalisation, les ralentisseurs et les plateaux sont annoncés en amont par le signal A14 et à hauteur du danger par le signal F87. Ceci n’est pas applicable dans les zones 30, les zones résidentielle ou de rencontre. Aussi, le F87 n’est pas utile pour les plateaux situés dans les carrefours. Enfin, les coussins berlinois ne doivent pas être annoncés en zone 30. Ils peuvent l’être en dehors de la zone. S’ils le sont, c’est uniquement par l’additionnel “dispositif ralentisseur” sous le signal A51.
Ces aménagements sont parfois réclamés par les riverains pour calmer les ardeurs de certains automobilistes dans les lignes droites des quartiers résidentiels. S’ils permettent de casser l’allure, ils n’ont pas que des avantages. Il peut exister des nuisances sonores dues à l’impact lors du franchissement à une allure inadaptée, des accélérations incessantes surtout si les coussins sont en enfilade, des éventuelles vibrations dans les habitations et la parte de places de stationnement dans le quartier. Il est possible de circonscrire ces inconvénients en choisissant des matériaux anti-vibration, et de compléter le tout avec d’autres dispositifs contraignants: rétrécissement de chaussée à hauteur de ces dispositifs, passage alternatif, dévoiement, parterre végétal, îlot, potelet, chicane, etc.
❖ Conclusion
Le Code de la route ne donne aucune définition claire. Il n’en reste pas moins une confusion entre le langage courant et la réglementation. Qui plus est, les Français parlent du dos d’âne pour désigner un ralentisseur (cf. A2b). En Belgique, la réglementation évoque le cassis comme une fosse et le dos d’âne comme une bosse. Ils sont généralement dus à un mauvais état de la route. Le dispositif surélevé est lui un aménagement volontaire de la voirie pour contraindre les automobilistes à réduire leur vitesse.
Mise à jour: En avril 2017, le Royaume-Uni annonce sa volonté de supprimer les ralentisseurs pour une question d’écologie. Les freinages et les accélérations répétées provoquent une pollution inutile. D’aucuns prétendent que cette suppression va également fluidifier le trafic routier. Décision plutôt étonnante surtout quand on sait que ces aménagements contribuent à diminuer les accidents liés à la vitesse.
¹ Cf. l’arrêté royal du 9 octobre 1998, annexe 1.
² Cf. l’arrêté royal du 9 octobre 1998, annexe 2.
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Peut-on légalement contourner un “coussin berlinois” si on ne franchit pas de ligne blanche, donc si l’espace à côté est suffisant pour le faire ?
En général, il est placé au milieu de la chaussée et il n’est pas possible de le contourner. Vous devez également rouler le plus près possible du bord droit de la chaussée. A certains endroits, les automobilistes se permettent de rogner sur la piste cyclable pour éviter le ralentisseur. Raison pour laquelle le gestionnaire aménage les lieux pour éviter ces déviations.
Bonjour, je suis recaler pour mon permis alors que j’était sur un dos d’âne à une vitesse de 41 km . Il n’y avait pas de panneau avertisseur A14 . Est-ce légale ?
Bonjour,
Sur un tel dispositif, la vitesse est de 30 km/h. Le signal routier n’est pas obligatoire en zone 30.
Les ralentisseurs sont toujours en zone 30, ou panneau 30 avant, donc vous étiez en excès de vitesse.